La lutte menée par les salarié.e.s de Stefany Emballages Services (SES) en Haute Loire, qui a permis en mars la reprise de la totalité des employés, est éclairante à bien des égards. Avec la CGT, ils ont su mettre en avant leur savoir-faire industriel tant sur le plastique biodégradable porteur d’avenir, que sur les besoins immédiats d’emballages à vocation médicale. Surtout, ils ont montré une détermination exemplaire par un rapport de force conséquent qui, pour une des rares fois en France, a contraint le ministère public à faire appel de la décision d’un « tribunal de commerce patronal » qui préférait « un ami repreneur » plutôt que le maintien de tous les emplois.
Au-delà de cette victoire collective qui lie les questions sociales (maintien du site, revendication de zéro licenciement, grève et occupation d’usine) et environnementales (projet industriel, alternative au seul plastique pétrolier), leur expérience de mobilisation repose la question de l’opacité des tribunaux de commerce qui va, dans les semaines et mois à venir, avoir une grande importance sur le sort de milliers de salarié.e.s.
La crise mondiale liée à la pandémie du coronavirus, après avoir engendré des centaines de milliers de morts dus à la maladie, devient le déclencheur d’une crise économique qui couvait. Les propositions alternatives et le rapport de force, en France comme dans le monde, détermineront si cette crise économique sera ou non payée par les salariés. Dans les médias, comme chez certaines directions d’entreprises, les annonces de suppressions d’emplois sont nombreuses. Parce que nos secteurs ont subi depuis des années les délocalisations, notre fédération THCB a malheureusement une expérience conséquente des licenciements et de ces procédures, notamment sur un de ces acteurs importants que sont les tribunaux de commerce.
Présents dans toute la France (excepté en Alsace et en Moselle) les 134 tribunaux de commerce placent le fonctionnement d'une entreprise en difficulté sous redressement ou liquidation judiciaire, c’est ce que l’on appelle une procédure collective. Cette procédure permet, théoriquement, de protéger les créanciers, d'assurer la répartition des pouvoirs dans les procédures collectives et décide des choix du repreneur pour l’avenir de l’entreprise.
Un des problèmes de démocratie et de transparence est que « Les juges sont nommés par leur pairs », c’est-à-dire que les employeurs se désignent entre eux.
La conséquence c’est que les choix stratégiques industriels ou commerciaux sont très souvent relégués au second plan ; quant à l’intérêt des salariés, il n’est pour ainsi dire jamais défendu si ceux-ci ne se font pas bruyamment entendre, comme l’ont fait les salariés de SES. Ce sont de fait les « arrangements de copinages patronaux » qui déterminent les décisions de ces « juges qui n’en sont pas » … A la fois « juges et parties », les verdicts sont fréquemment issus de circonstances et d’intérêts patronaux, locaux ou nationaux.
Cette juridiction n’a connu que très peu de réforme depuis 1826 sous la monarchie restaurée, date à laquelle la bourse (des affaires) hébergeait le tribunal de commerce de Paris… tout un symbole ! Il est urgent de mettre des règles contre les licenciements, pour les milliers de procédures de sauvegardes, de dépôts de bilans, de redressements ou de liquidations judiciaires qui sont devant nous.
Il faut de la démocratie dans ces tribunaux avec à minima la possibilité pour les CSE, ou le représentant des salariés, de faire appel de la décision. Il est nécessaire d’avoir des juges professionnels et où les salariés pourraient eux aussi enfin être représentés parce qu’ils sont les créateurs de richesses dans l’entreprise
C’est aussi ce que portera la fédération CGT THCB pour les jours qui viennent !
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