Face à la crise sanitaire, économique et sociale sans précédent que traverse notre pays, la population française est convaincue de la nécessité de relocaliser nos industries jugées stratégiques et de mieux protéger nos entreprises et nos emplois. 91% de la population souhaite que notre pays retrouve rapidement son indépendance et sa souveraineté sur ces sujets. Cette demande porte aussi sur la réorganisation de nos chaînes de valeurs et de production à terme. Cette crise a révélé que notre pays, comme bien d’autres, est très dépendant de l’industrie asiatique, la Chine en tête. Nous sommes incapables de répondre à la demande mondiale en cas de pandémie ou d’autres bouleversements auxquels il faut se préparer. Il est vrai que les politiques néolibérales développées à partir des années 1980 à travers le monde ont poussé nombre d’entreprises à s’expatrier dans les pays à bas coût de main d’œuvre. Nos secteurs industriels du textile, de l’habillement et de la chaussure ont été parmi les premiers en France à être saisis par cette frénésie du moins-disant social. Ces choix ont eu comme conséquence que même la production des masques, qui nous fait tant défaut aujourd’hui, a été délocalisée en Chine, parce que pas assez « rentable ».
Partant de ces constats, la fédération THCB met en débat quelques propositions :
1. Prolonger le dispositif d’activité partielle pour les entreprises qui ne retrouveraient un retour à l’activité normal que très progressivement. Ainsi, nous proposons de prolonger ce dispositif jusqu’à 24 mois après de déconfinement. Cette mesure pourrait être financée en suspendant temporairement la loi sur le prélèvement unique forfaitaire de 30 % sur les revenus du capital des entreprises mis en place en 2017. La suspension de cette « flat-tax » permettrait de garantir un fonds dédié aux entreprises en difficulté et à toutes celles ayant du mal à redémarrer leurs activités.
2. En contrepartie de cette aide publique et pour éviter tout abus, nous proposons de rétablir, pour une durée de 24 mois, le contrôle administratif sur les plans de licenciements économiques et les ruptures conventionnelles collectives. Les ruptures conventionnelles individuelles devront faire l’objet d’une double validation : celle de l’administration et celle du CSE.
3. La recherche du moins-disant social à l’échelle du monde est suicidaire. La crise sanitaire montre à quel point nous sommes devenus dépendants et tributaires de certains pays comme la Chine. Nous devons régionaliser notre industrie, en veillant à ce que les centaines de milliards d’argent public versés aux entreprises aient des contreparties sociales et environnementales qui profitent à nos territoires et leur population. C’est pourquoi nous proposons la mise en place d’un plan négocié entre l’Etat, les organisations syndicales et patronales ainsi que les collectivités territoriales pour permettre rapidement la relocalisation d’activités stratégiques dans un premier temps, tout en repensant à long terme la réorganisation de nos chaînes de valeurs et de production sur la zone euro-méditerranéenne en priorité. Cette nouvelle politique devra être mise en œuvre par un grand ministère de l’industrie.
4. Les marchés publics, dont le volume atteint près de 60 milliards d’euros chaque année en France, peuvent être un facteur de relocalisation des activités. Nos administrations doivent faire confiance à nos industriels et investir en priorité dans nos territoires. Nous proposons de modifier la règlementation européenne en la matière pour garantir au minimum 70 % de production sur notre continent. Chaque état pourra garantir sur son territoire 35 % de production de ses marchés publics pour assurer son indépendance et sa souveraineté.
5. L’économie verte est créatrice de centaines de milliers d’emplois. L’ADEME estime entre 500 000 et 900 000 créations d’emplois si la France investit massivement dans la transition énergétique. Nous proposons un grand service public de la transition énergétique englobant le service public de l’énergie pour valoriser de grands projets tels que le stockage de l’électricité, le recyclage de nos déchets nucléaires, la batterie électrique, le développement des énergies renouvelables, le développement de nouveaux modes de transports publics gratuits sur l’ensemble de nos territoires, ou encore la rénovation énergétique des logements et bâtiments en garantissant un accompagnement public par des leviers incitatifs. Ces grands projets devront assurer à terme le mix énergétique ainsi que les engagements bas carbone que la France s’est fixée.
6. Nous proposons la mise en place d’un bouclier social pour protéger les plus vulnérables de la société. Ce bouclier devra restaurer pour les demandeurs d’emploi les droits à l’assurance chômage fixés par la convention Unedic 2017, ce qui implique l’annulation des décrets pris l’été dernier. L’allocation spécifique de solidarité (ASS) et le revenu de solidarité active (RSA) seront revalorisés au niveau du seuil de pauvreté, soit 1015 euros par mois. Les privés d’emploi et les salariés percevant moins de 2 fois le SMIC, les indépendants dont le chiffre d’affaire est inférieur à 15 000 euros pourront bénéficier d’une carte appelée « crédit de consommation » d’un montant de 2 000 euros, financée par l’Etat, utilisable sur l’année 2020/2021. Cette carte sera valable uniquement sur des productions agricoles locales (fruits/légumes) ou sur des produits de consommation estampillés « made in France ». Enfin, les banques devront faciliter le report des prêts immobiliers et à la consommation, sans majoration ni pénalité pour tous les bénéficiaires du bouclier social qui en font la demande.
7. La CGT propose de modifier le Fonds National de Garantie des Salaires (FNGS), géré uniquement par le patronat, par un fonds d’intérêt général, géré par les organisations patronales, syndicales et l’État. Ce fonds alimenté sur le même principe, par une contribution sur le résultat des entreprises, devra être en capacité à terme de pouvoir provisionner aussi bien pour intervenir sur des entreprises en difficultés que sur les crises économiques et sociales d’une plus grande ampleur. Son rôle devra être de toujours garantir par une Allocation de Garantie de Salaire (AGS), les salaires et les droits des salariés en cas de redressement ou liquidation judiciaire en aval mais aussi d’intervenir en amont en venant ainsi se substituer temporairement aux obligations de l’entreprise dans les procédures de sauvegarde d’entreprises. Doté d’un conseil d’administration, cette nouvelle instance devra arrêter la contribution fixe des entreprises, et définir les nouvelles prérogatives de l’intervention du FNGS. L’État n’est pas mis à contribution à ce stade mais garantirait les prêts octroyés, si nécessaire, auprès des banques pour l’intervention de ce fonds.
Un contrat de sauvegarde, limité dans le temps, sera mis en place pour préserver le tissu industriel, retarder l’intervention des fonds publics et garantir temporairement les salaires et les droits des salariés sous forme d’une sécurité sociale professionnelle.
Fédération CGT THCB
20 avril 2020
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