Publié le 13/02/2023
En reculant l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans, le gouvernement a fait le choix de la régression sociale. Membre de la commission exécutive confédérale, Thomas Vacheron explique comment la CGT entend s’y opposer.
« L’urgence est d’augmenter les salaires et les pensions, pas l’âge de départ à la retraite ! »
Comment situer le projet de loi sur les retraites, dévoilé le 10 janvier, par le gouvernement ?
THOMAS VACHERON C’est le plus brutal et le plus violent jamais présenté. Le plus brutal parce qu’il accélère l’allongement de la durée de cotisations à quarante-trois ans, et le plus violent car il recule l’âge de départ à la retraite à 64 ans. Le projet repose sur les seuls salariés. Et ce sont ceux qui ont les vies au travail les plus heurtées, qui subissent les temps partiels imposés, les contrats précaires, les périodes de chômage qui seront les plus touchés.
Ce serait « la seule manière », selon le gouvernement, de sauver le système…
THOMAS VACHERON Ils n’ont cessé de changer de pied, d’éléments de communication. Comment croire que les mêmes qui ont supprimé l’ISF, qui n’entendent que la voix du patronat, jamais celle des salariés, voudraient protéger le système par répartition et solidaire ? Depuis trente ans, l’argument est toujours de sauver nos retraites et, chaque fois, non seulement cela ne suffit jamais, mais on va toujours vers plus de régression sociale.
« On veut faire peur aux Français avec un hypothétique déficit de 12 milliards d’euros. »
Faut-il s’inquiéter du ratio cotisants- retraités, passé de 3,80, en 1997, à 1,7, aujourd’hui ?
THOMAS VACHERON C’est l’autre argument du gouvernement, sauf qu’il ne met pas en face les richesses produites. Le produit intérieur brut [PIB] et la productivité des salariés ont beaucoup plus progressé que le delta entre actifs et retraités. Les richesses partent systématiquement dans les profits. La France a le deuxième taux de productivité horaire au monde. À l’heure actuelle, le système de retraites est bénéficiaire. On veut faire peur aux Français avec un hypothétique déficit de 12 milliards d’euros en 2027, soit
0,5 % du PIB. Mais que représentent ces 12 milliards au regard des 157 milliards d’exonérations fiscales et sociales accordées aux entreprises, sans contrôle, ni contreparties ?
Pouvons-nous considérer comme des avancées les propositions sur la pénibilité ou la pension minimum à 1 200 euros ?
THOMAS VACHERON Les 85 % du Smic étaient déjà un objectif de la réforme Fillon, en 2003. À l’heure actuelle, six millions de personnes vivent à la retraite avec moins de 1 100 euros par mois. Pour pouvoir bénéficier des 1 200 euros, il faudra avoir une carrière complète. Autrement dit, à peine plus d’un million de salariés seront concernés. Quant à la pénibilité, une partie des éléments dont le gouvernement veut se prévaloir (critères de manutention, vibrations mécaniques, etc.) avaient été supprimés par Emmanuel Macron en 2017. Il ne s’agit donc pas d’une avancée mais d’un retour sur des reculs…
L’exécutif envisage de faire passer son texte dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificatif, ce qui lui permettrait d’accélérer les débats avec les députés.
THOMAS VACHERON Oui, c’est le même respect de ce gouvernement pour le Parlement que pour les organisations syndicales… En faisant cela, l’Élysée veut aussi peser sur les mobilisations. D’ici au début de l’examen du texte à l’Assemblée le 6 février, nous allons multiplier les initiatives, faire en sorte de nous appuyer sur le soutien massif des salariés du public et du privé pour rendre possible un retour aux 60 ans avec aucune retraite en-dessous du Smic. L’urgence est d’augmenter les salaires et les pensions, pas l’âge de départ à la retraite !
Entretien réalisé par J-Ph JOSEPH
► Source : Article paru dans ENSEMBLE La vie ouvrière #12 (février 2023) : https://boutique.nvo.fr/common/product-article/288
Crédit photo : Bapoushoo