Industrie : le scandale des marchés publics !

Depuis des années, notre fédération demande aux pouvoirs publics une modification des appels d’offres sur les marchés publics en y ajoutant des conditions et des critères plus restrictifs qui favorisent l’emploi, avec des produits qui ne font pas le tour de la planète et en produisant en France.

Dans ce jeu de dupe, employeurs et pouvoirs publics renvoient la responsabilité des critères d’appels d’offres vers la commission européenne. La vérité est que personne n’a la volonté politique de modifier les règles du jeu des marchés publics. Et pour cause, les employeurs ont presque tous délocalisé leurs productions ou développé des business stratégiques avec des entreprises étrangères dans des pays à faible coût de main-d’œuvre.

Les belles promesses du Made in France...

Quant à la puissance publique qui se doit à la fois d’être exemplaire avec l’argent public tout en tenant compte d’un discours autour « de la souveraineté nationale, elle tient avec le Made in France ou la relocalisation de nos industries » constamment un double langage. Car, la vérité pour nombres de nos hauts fonctionnaires appliquant les consignes libérales c’est de faire vivre des critères et un mécanisme de moins disant social sur les marchés publics. Et même si notre président et ses ministres, la main sur le cœur, s’étaient engagés après la pandémie du Covid à maintenir dorénavant des filières industrielles et une modification de la législation sur nos marchés publics pour garantir de la production française. Toutes ces belles promesses se sont bien évidemment envolées.

… déjà envolées pour les masques

Lors de notre dernier congrès fédéral en juin 2022 à la Palmyre, notre fédération et les délégués s’inquiétaient de la réelle volonté de nos dirigeants politiques à rapatrier de la production en France, et on s’indignait déjà des nouveaux appels d’offres sur les masques avec des marques française mais qui reprenaient le chemin de l’Asie.

La bagarre des salariés de Paul Boyé et de la fédération THCB pour l’attribution du marché de l’habillement dans la police et la gendarmerie nationale

C’est aujourd’hui sur un autre appel d’offre que la fédération s’indigne, celui du marché de l’habillement, destiné aux personnels de la police et de la gendarmerie nationale. Depuis une bonne dizaine d’années, ce marché est attribué à la société Paul Boyé Technologies (Labarthe-sur-Lèze) près de Toulouse. Après l’explosion de l’entreprise AZF en 2001, notre fédération THCB s’était bagarrée avec les salariés pour contraindre la reconstruction des deux sites de vêtements militaires de Paul Boyé Technologies en France auprès du ministère des armées. Notre bagarre avait fini par porter ses fruits autour d’un accord tacite avec la ministre de l’époque Michèle Alliot Marie, l’entreprise Paul Boyé et la fédération. L’accord prévoyait la reconstruction obligatoire des deux établissements de l’entreprise non pas à Toulouse mais dans la région toulousaine. Et en échange de l’acceptation des salariés changer de lieu, le ministère des armées s’était engagé à aider l’entreprise à obtenir le marché public de la police et de la gendarmerie nationale pour consolider l’emploi, la production et l’investissement en France.

Balsan déjà condamné pour fraude sur l’origine française

Ce changement d’entreprise était d’autant plus justifié à l’époque, car l’entreprise Balsan qui honorait le contrat avec l’État avait délocalisé une très large partie de sa production de l’Indre et Loire vers la Tunisie. Le tout en faisant croire que l’État produisait toujours en France pour maintenir une facturation plus onéreuse. Le patron avait même été condamné par la justice par la suite.

240 000 vêtements de la police et de la gendarmerie nationale pour 5 ans à l’entreprise Marck&Balsan qui ne produit quasiment plus rien en France !

Si nous rappelons ce petit point de l’histoire, c’est que la direction de l’évaluation de la performance de l’achat, des finances et de l’immobilier (DEPAFI) rattachée au ministère de l’intérieur, vient de renouveler, contre toute attente, son marché public de 240 000 vêtements de la police et de la gendarmerie nationale à l’entreprise Marck&Balsan pour les cinq prochaines années. Cette entreprise d’habillement qui ne produit quasiment plus rien en France, s’est associée avec un groupe de lingerie Israélien (Delta Galil, détenant par exemple la marque Éminence), un importateur de vêtement (Léo Minor) et la Poste sur sa partie logistique pour remporter l’appel d’offre. Le comble, c’est que cet attelage de « bric et de broc » a remporté la mise ! Chercher l’erreur…

Au-delà de la quasi-totalité de la production des vêtements à l’étranger, nous sommes d’autant plus inquiets car Marck&Balsan vient déjà d’annoncer qu’il ne sera pas en capacité de fournir le marché avant janvier 2025. Cette entreprise qui méprise les syndicats a réorganisé ses établissements en France en 2022 et licencié des dizaines de salariés. Enfin, la coupe est pleine quand on sait que l’un des employeurs, Laurent Marck, n’est autre que le président de la commission de relocalisation à la fédération française, des industries du vêtement masculin !

Mesurer réellement la chaîne de valeur de fabrication jusqu’aux sous-traitants

Depuis des années, la fédération s’indigne de la méthode qui consiste à donner le marché public à un entrepreneur français pour se donner bonne conscience tout en ne mesurant pas réellement la chaîne de valeur de fabrication et de production de l’entreprise et de ses sous-traitants sur notre territoire. Comme toujours le critère le plus pertinent pour nos hauts fonctionnaires de la direction DEPAFI restent « le moins disant social ».

Des conséquences en cascade sur l’emploi en France

Comme une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule, cette décision va avoir des conséquences en cascade sur l’emploi en France. En effet, le syndicat CGT de l’entreprise Paul Boyé et l’union locale viennent de nous informer qu’un plan social d’envergure avec peut-être une fermeture d’entreprise se prépare après la perte de ce marché. Autre entreprise en difficulté, France Teinture à Troyes qui passe 30% de son chiffre d’affaires à l’entreprise Paul Boyé vient de mettre une partie de ses salariés au chômage partiel. Quant à l’entreprise de tricotage SMB Bord Cote à Vindry-sur-Turdine (Rhône), elle est aujourd’hui en très grande difficulté avec une perte de 70 % de ses commandes.

Bravo pour vos exploits de quelques milliers d’euros en moins sur vos vêtements et merci pour ces centaines de salariés qui vont perdre leur emploi en France dans nos secteurs, messieurs, mesdames, de la direction DEPAFI. Vous n’avez décidément rien compris. Après les masques, encore une fois la main pris dans le sac, une honte et un scandale !

Proposition du congrès fédéral en 2022 :

Notre congrès demande l’encadrement des marchés publics, avec un cahier des charge et des critères exigeants sur des normes sociales, des normes environnementales et l’obligation de produire une partie non négligeable en France.

>>> Consultez la résolution N°1


Source  : Journal du THCB mai 2024


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