Depuis les ordonnances Macron en 2017, les organisations patronales Medef / CPME / U2P étaient en recherche d’inspiration pour tenter de relancer la négociation d’Accord National Interprofessionnel (ANI ). C’est chose faite depuis l’accord sur le télétravail, signé par quatre organisations syndicales de salariés (CFDT, CFTC, FO et CGC) en fin d’année 2020. Mais c’est manifestement un accord d’un type nouveau dont ont accouché les signataires, sans craindre de dévoyer complètement le sens de la négociation collective.
Car le texte en question n’est ni prescriptif, ni normatif, ni contraignant pour les employeurs ! On pourrait presque se demander à quoi il sert. L’accord se contente de lister les questionnements politiques et juridiques soulevés par le sujet et se présente comme une espèce de vade-mecum prétendument destiné à aider les négociateurs dans les entreprises.
Une nouvelle conception du dialogue social qui donne le vertige
Avec ce texte, le patronat français peut se targuer d’avoir ouvert la porte à une nouvelle conception du dialogue social qui donne le vertige face au vide sidéral qui le caractérise. Hubert Mongon, le délégué général patronal de l’UIMM (branche de la métallurgie) et coprésident de la commission emploi/travail au Medef explique dans une tribune aux Échos : « Plutôt que de conclure un accord prescriptif et normatif à l’ancienne, nous avons préféré un recueil des règles juridiques existantes et une identification de tous les enjeux soulevés par le télétravail ». Ce type d’accord présentant à ses yeux l’avantage de « ne plus peser comme un facteur additionnel de complexité, de pesanteur du droit du travail dans l’entreprise ». Au moins le discours a le mérite de la clarté.
Les organisations syndicales de salariés qui ont accepté de ratifier ce texte ont tourné le dos au principe même de la négociation nationale interprofessionnelle en refusant d’édicter des normes pour l’ensemble des salariés. Elles se sont privées d’un instrument de progrès social pour améliorer les conditions de travail et obtenir des droits nouveaux.
Ce n’est pourtant pas en renvoyant toutes les difficultés du monde du travail à la seule responsabilité des négociateurs soumis à la pression patronale dans l’entreprise que le syndicalisme peut espérer engranger de nouvelles conquêtes sociales.
La négociation nationale interprofessionnelle permet justement de faire un contrepoids au lien de subordination qui lie le salarié à son employeur et le fragilise.
Nos délégués connaissent la réalité des discriminations et de la répression syndicale.
Dès lors, les organisations syndicales qui ont déroulé un tapis rouge face au patronat feraient bien de s’interroger sur le sens du syndicalisme confédéré et celui de la négociation nationale qu’ils exercent par délégation au nom des salariés. Quant à la CGT, elle devra tenir compte de cette nouvelle donne en épaulant au plus vite nos délégués dans les entreprises qui auront besoin d’outils adaptés pour gagner !
Maurad RABHI
Editorial Infos THCB N°386
►► Source : Journal du THCB janvier 2021